Michel Redolfi, la musique subaquatique et les dauphins

Auditeurs d'un des concerts subaquatiques de Michel redolfi

J’ai capturé cette image sur une vidéo du Grand nocturne aquatique de Michel Redolfi (Grenoble 2008), parce qu’elle m’a saisie : un instant j’ai cru revoir cette scène, dans le Titanic de James Cameron, où une des barques revient sur le lieu du drame pour récupérer d’éventuels rescapés, et ne trouve quasiment que des morts engoncés dans leurs inutiles gilets de sauvetage.

Mais là c’est beaucoup moins dramatique : Michel Redolfi est un compositeur qui a investi le monde subaquatique : il compose des oeuvres musicales destinées à être écoutées non pas par les oreilles, mais par le corps entier. Ce qui, semble-t-il, met à égalité entendants et malentendants. J’ai lu par ailleurs que c’est surtout le squelette qui entend, car la chair n’arrête pas les sons dans l’eau comme elle le fait dans l’air.

Je trouve ça fascinant, d’autant qu’en pleine lecture et investigations sur les cétacés, qui fonctionnent essentiellement au son. La mer n’est pas du tout le monde du silence qu’on imagine. Entendre un de ces concerts subaquatiques peut donner une petite, toute petite idée de ce qu’est la vie d’un dauphin ou d’une baleine à bosse.

Tiens, d’ailleurs, je viens de lire dans « Le cinquième rêve » de Patrice van Eersel que les cétacés sont synesthètes (cf mon récent article sur la synesthésie), comme souvent les zèbres dont il est question sur ce blog : pour un dauphin, « un son a forcément un goût, une forme a toujours une rugosité ; ce qu’il voit, il l’entend, etc. » C’est dû à l’anatomie particulière de son cerveau, qui possède, avant le neocortex, une zone dite « lobe paralimbique » qui regroupe au même endroit toutes les aires sensorielles et motrices qui sont dispersés chez les autres mammifères (humains compris). J’aurais donc un point commun avec ces êtres extraordinaires ? J’en reparlerai, je pense, car ces cétacés que nous massacrons allègrement et cruellement (cf http://www.bluevoice.org) ont tout à nous apprendre ( sur l’attention aux autres, la coopération, le sens du jeu, la bonté).

La couleur des mots, le ruban du temps

J’ai toujours vu les mots en couleurs. En fait, ce sont les voyelles qui sont en couleurs. Le A rouge, le I jaune, le U vert, etc. Exemple :

Salut les aminches

Petite, je croyais que tout le monde voyait ça pareil, mais en fait non ?

Et puis aussi, je « vois » les représentations du temps qui passe sur mon écran mental : le calendrier est comme un tableau, un ruban horizontal avec des cases, sur lequel mes yeux se déplacent : vers la gauche pour le passé, vers la droite pour le futur, et comme un petit pointeur sur « maintenant ». Sur ce ruban, des marques pour les jours, semaines, mois, années, selon l’échelle à laquelle je pense.

Ca s’appelle la synesthésie, cf article dans Wikipedia : « phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Par exemple, dans un type de synesthésie connu sous le nom de synesthésie « graphèmes-couleurs » (qui représenterait 64,9% des synesthésies), les lettres de l’alphabet ou nombres peuvent être perçus colorés. » Il y en aurait plus de 1000 formes différentes. C’est involontaire, automatique et, selon Jeanne Siaud-Facchin, caractéristique des zèbres.

Anatomie d’une crise de blues

On décrit les zèbres comme des personnes hyper-sensibles, voire hyper-susceptibles. Jeanne Siaud-Facchin parle de « vulnérabilité psychique ». Lucidité acérée –> grande réactivité émotionnelle –> anxiété diffuse.

Munch - Le cri

Munch - Le cri

Bon ben là suis en pleine hyper-réactivité émotionnelle et d’anxiété pas si diffuse que ça. Une petite bisbille avec quelqu’un que j’aime beaucoup, mais qui du coup me tient à distance, et me voilà dévastée, abandonnée. Ca me fait flipper parce que, il n’y a pas si longtemps,  on est bien restés 6 mois sans se parler autrement que pour les trucs obligatoires. Je lui ai demandé qu’on en parle, mais c’est quelqu’un qui ne supporte pas l’idée même d’un conflit, et bon, non (j’étais pas très courageuse pour insister, d’ailleurs, la culture du non-dit étant l’une des mammelles de mon éducation familiale). Alors, constater son malaise avec moi l’autre jour, sa presque froideur et son silence depuis, ça m’a remise droit dans le gros blues qui tache. Pour moi qui suis tellement insécurisée, une vraie torture.

Il y a quelques temps encore, dans ce genre de situation il FALLAIT que j’agisse, que je fasse quelque chose, n’importe quoi, pour ne plus éprouver cette souffrance de l’abandon, pour essayer que ça change, que ça se répare. Réactions agressives, désordonnées, maladroites, et la situation empirait bien sûr. J’étais incapable de traverser la souffrance, de l’accepter pour comprendre ce qu’il se passait réellement en moi.

Maintenant que j’ai un peu grandi, les choses ont changé. D’abord, je suis capable de faire le point sur les faits, rien que les faits, et de réfléchir posément à ce qu’il convient de faire. En l’occurrence, là, surtout ne rien précipiter. Laisser passer du temps, pas tout foutre en l’air en allant réclamer de l’attention ou des explications que l’on me refusera à coup sûr. Ok, j’accepte d’attendre, et de rester dans mon blues quelques temps.

Finalement, là où avant j’aurais passé la (les)  journée(s) sur le canapé à gober du chocolat et des films pour ne plus penser, plus éprouver, j’ai réussi à me concentrer sur les choses à faire. Et je me suis occupée de mon corps, ce grand abandonné de ma vie. Auto-massages, relaxation, exercice physique, belle balade dans la verdure.

Mais la journée a été traversée de nombreux flashs d’angoisse. Chaque fois que cela s’est produit, j’ai essayé de comprendre en quoi ça consistait. En fait, c’est comme un frisson qui me traverse le corps et finit dans mes tripes, ça dure moins d’une seconde, mais c’est une secousse à chaque fois. Pas de mots, pas de son, juste ce coup d’aiguille dans le ventre. Bon ok, j’ai mal. Eh ben j’ai mal, hein. J’apprends à regarder ma douleur dans le blanc des yeux.

Au prochain épisode, je comprendrai à quel événement de mon enfance est reliée cette douleur, je saurai ce qui se rejoue depuis lors, dans les relations que je recherche, que je foire, que j’étouffe de mon insondable besoin d’amour.

Les deux loups

Un vieil homme veut apprendre à son petit-fils ce qu’est la vie. « En chacun de nous, il y a un combat intérieur » dit-il au jeune garçon. « C’est un combat jusqu’à la mort et il se tient entre deux loups. »

« Le premier est ténébreux. Il est la colère, l’envie, le chagrin, le regret, l’avidité, l’arrogance, l’apitoiement sur soi-même, la culpabilité, le ressentiment, l’infériorité, la supériorité, les mensonges, la fausse fierté et l’égo. »

Les-deux-loups

Image trouvée sur le site de l'Internaute

« Le second est lumineux. Il est la joie, la paix, l’amour, l’espoir, la sérénité, l’humilité, la gentillesse, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi. »

Le petit-fils réfléchit pendant un long moment. Puis, il demande à son grand-père : « Mais alors, quel est le loup qui gagne à l’intérieur de moi ? »

Le vieil homme sourit et lui répond : « Celui que tu nourris le plus. »

Du potentiel à sa non-réalisation

En pleine crise de zèbritude aigüe, ces jours-ci. Dans son « Petit guide à l’usage des gens intelligents qui ne se trouvent pas très doués », Béatrice Millêtre écrit : « la motivation est une sorte de bouton « marche/arrêt » : si elle n’est pas là, il ne se passe pas grand chose. Si elle est là, je peux déplacer des montagnes. »

Eh ben, là chez moi le bouton est sur arrêt. Il l’est souvent, d’ailleurs. Je me sais parfaitement capable de faire des tas de choses, j’ai plein de talents différents, qu’ils soient artistiques ou non. Professionnellement, je peux m’adapter à de nombreuses situations. J’ai d’ailleurs déjà pas mal zigzagué d’un domaine à l’autre. Des tas d’autres m’ont tentée, et je crois que dans chacun j’aurais réussi.

Mais, à chaque fois, je n’ai pas eu assez envie. Me suis enflammée, mais chez moi ça se consume vite et après je suis lassée. Au point qu’aujourd’hui j’ai peur de m’engager dans des activités impliquant d’autres personnes, parce que je me sais capable de tout plaquer quelques mois après. Je l’ai déjà fait, et les autres ne comprennent pas.

Le labyrinthe de la vieBref, je me reconnais comme une personne à haut potentiel, mais ça n’a rien à voir avec la réussite. Aujourd’hui, à plus de 40 ans, j’ai pas mal d’années de trou dans mon parcours professionnel, périodes de non-travail, indemnisé ou pas. Je viens d’ailleurs de refuser un contrat de 3 ans, prolongation d’un boulot provisoire dans le cadre duquel j’avais fait du très bon travail. J’ai refusé parce que, chaque fois que je pensais à ces 3 ans, une chappe d’ennui me tombait sur les épaules, accompagnée de la question qui tue : « est-ce que ça va me rendre plus heureuse de faire ce boulot ? plus utile au monde ? plus avancée humainement ? ». Elle a tué.

Alors j’ai décidé de prendre une année sabbatique, pour apprendre, expérimenter, trouver qui je suis, ce que je fous sur terre, et à quoi ça peut bien servir. En fait, au départ, c’était pour me lancer dans un projet artistique. Mais ça fait presque deux mois maintenant, et je n’ai quasiment rien « pondu » de ce projet. Me retrouve face à la feuille blanche, face à mes angoisses et interrogations, face à moi-même sans l’excuse d’une vie professionnelle prenante pour éviter de penser à ce qui compte vraiment. Le nez dedans, quoi. Résultat : le flip intégral. Alors, je me dis que c’est une épreuve genre initiatique à traverser. D’abord, découvrir ce que je veux faire du reste de ma vie. Ensuite, y aller pour de bon. Mais en attendant la révélation, l’illumination, eh ben c’est pas de la tarte.

Dan Millman, le « guerrier pacifique »

Cette « fiction biographique » raconte comment un étudiant américain, à la fin des années 60, est initité, en gros, aux secrets du bonheur par un pompiste de nuit qu’il a surnommé Socrate. Ce long processus (« Paradoxe, humour et changement ») le transforme en un être humain libéré de son mental, de la peur de la mort, et totalement ancré dans l’ici et maintenant. Disons le mot, un homme heureux.

A première vue, une parole gouroutesque de plus

On m’avait prêté ce livre il y a des années, et je viens de relire pour la troisième fois au moins. Etrange, d’ailleurs, parce que je reste assez méfiante vis à vis de ce discours et de son auteur. A cette 3è lecture, j’ai vu l’adresse de son site web, y suis allée : ça sent un peu le gourou businessman, d’autant qu’il vend des tas de livres, enregistrements audio et conférences via ce site.

Il y a aussi quelques trucs gratuits, comme ce test qui permet à chacun de découvrir le but de sa vie, simplement en indiquant sa date de naissance !

Et pourtant

Ce n’est pas parce qu’un texte a été écrit par un businessman inspiré (par quoi, faut voir) qu’il ne contient pas de pistes intéressantes. C’est une des choses que j’ai apprises de la vie : les signes sont partout, il suffit d’avoir les yeux ouverts. Et Le guerrier pacifique a contribué a m’ouvrir les yeux sur mes insatisfactions, ce qui compte réellement pour moi, et surtout sur la nécessité absolue de rabattre le caquet à ce foutu et tyrannique ego. Ego home !

Ce n’est pas parce que Dan Millman gagne (probablement) beaucoup d’argent que ses écrits ne contiennent pas quelques pistes de réflexion intéressantes. D’ailleurs,  j’ai fait le test du but de la vie :

Le « life purpose calculator » a dit que mes trois buts dans la vie sont :

  • la créativité et la confiance dans mes propres capacités,
  • l’expression et la sensibilité,
  • la confiance envers les autres et l’ouverture,

… et aussi que j’ai à surmonter une insécurité profonde.

Bon, on a beau dire, c’est plutôt bien vu. Même si je m’étonne que ma seule date de naissance puisse en dévoiler autant sur moi (sommes-nous donc prédestinés ?), je prends ce résultat comme un signe : tiens, j’ai en face de moi une vision du chemin à parcourir, et cette vision me parle, c’est tout.

Socrate et le test des trois filtres

Socrate avait, dans la Grèce antique, une haute réputation de sagesse.  Quelqu’un vint un jour trouver le grand philosophe et lui dit :

–    Sais-tu ce que je viens d’apprendre sur ton ami ?
–    Un instant, répondit Socrate. Avant que tu me le racontes, j’aimerais te faire passer le test des trois filtres.
–    Les trois filtres ?
–    Mais oui, reprit Socrate. Avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, il est bon de prendre le temps de filtrer  ce que l’on  va dire. C’est ce que j’appelle le test des trois filtres.  Le premier est celui de la vérité : as-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai ?
–    Non. J’en ai seulement entendu parler….
–    Très bien. Tu ne sais donc pas si c’est la vérité. Essayons autrement, en utilisant un deuxième filtre, celui de la bonté…Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?
–    Ah non. Au contraire.
–    Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n’es même pas certain qu’elles soient vraies. Bon. Tu peux peut-être encore réussir le test, car il reste un filtre, celui de l’utilité. Est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?
–    Non. Pas vraiment.
–    Alors, conclut Socrate, si ce que tu as à me raconter n’est ni vrai, ni bien, ni utile, pourquoi vouloir me le dire ?

On peut être zèbre et loup

Couverture du livre "Femmes qui courent avec les loups"Clarissa Pinkola Estés
Femmes qui courent avec les loups
Histoires et mythes de l’archétype de la femme sauvage

L’auteur, psychothérapeute et conteuse américaine, souhaite donner aux femmes des clés pour les aider à se reconnecter à cette nature instinctive féminine qu’elle appelle la « femme sauvage », et que la « civilisation » a complètement étouffée, dénigrée.

A travers une série de contes qu’elle présente puis décrypte dans une perspective analythique, elle parle « de l’archétype, de l’intuition, du sexuel et du cyclique, des âges de la femme, de sa façon d’être, de son savoir, de la flamme de sa créativité ».

Je n’ai pas fini ce livre (c’est très dense, et sa lecture a sur moi un effet très puissant, je ne l’aborde que par petits bout, et avec chacun de ces bouts j’en ai pour des mois à méditer). mais les premiers contes (Barbe-Bleue et Vassilissa notamment) m’ont fortement marquée. C’est comme si je « reconnaissais » la femme qu’elle décrit comme étant moi.

Au moment où je lisais tout cela, j’ai passé quatre jours au fin fond d’une abbaye, obéissant à un besoin impérieux de me retrouver dans le silence et seule avec moi-même (même pas peur). Eclairée par la lecture du livre de Clarissa Pinkola-Estés (avec le papier-crayon, c’est la seule « distraction » que j’avais amenée avec moi), j’ai passé ces quatre jours à écouter et prendre conscience d’une voix qui venait des tréfonds de moi-même. Et, sans dec’, j’y ai sur le moment puisé une grande force. J’ai compris des tas de choses sur ma vie et ce que je voulais en faire, des projets se sont fait jour en moi, tout ficelés ou presque, et pour la première fois de ma vie je me sentais forte, stable, ancrée, positive. Je savais déjà l’importance de ma petite voix intérieur, j’avais appris à la reconnaître et à lui faire confiance, mais là cette petite voix s’est mise à crier à tue-tête, à chanter, courir, sauter, cabrioler et rire !

Bon, euh, le quotidien m’a rattrapée petit à petit, mais il me reste le souvenir de cette tranquille assurance que je savais et pouvais beaucoup.

Mais alors, pourquoi des loups, me direz-vous ? Parce que, selon l’auteure, femmes et loups même combat : « Les loups sains et les femmes saines ont certaines caractéristiques psychiques communes : des sens aiguisés, un esprit ludique et une aptitude extrême au dévouement. relationnels par nature, ils manifestent force, endurance et curiosité. Ils sont profondément intuitifs, très attachés à leur compagne ou compagnon, leurs petits, leur bande. Ils savent s’adapter à des conditions perpétuellement changeantes. Leur courage et leur vaillance sont remarquables ».

T’es intelligente, bon alors où est le problème ?

C’est vrai quoi, autant on peut comprendre qu’il faille prendre en charge les enfants déficients intellectuels, autant les super-intelligents, c’est bon, ils se débrouillent. Et les adultes, c’est pareil.

Pourtant « it’s not a bed of roses », et ma famille ne se prive pas de me faire remarquer tout ce qui ne va pas chez moi :

  • avec toi de toute façon, c’est tout ou rien
  • t’es jamais fichue d’avoir un rond devant toi
  • tu vas quand même pas arrêter de gagner ta croûte pour découvrir qui tu es vraiment ?
  • tu t’emballes tout le temps pour des trucs mais tu vas jamais au bout
  • et le dernier, ouh celui-là il m’a fait mal : « oh toi, faut toujours qu’on t’aime »

Ben oui « faut qu’on m’aime ». C’est ce qui compte le plus, et y’a pas de honte. Le boulot, l’argent, la position sociale, m’en fous c’est du vent. Pourtant, je sais que je peux faire plein de choses, plein de métiers différents, et y réussir. Et même gagner des sous, si je veux. Mais c’est une question de motivation, et sans motivation le surdoué est comme une voiture sans carburant : à l’arrêt, en proie aux crises d’à-quoi-bon-isme pour à peu près tout, y compris la vie.

La seule chose qui compte, c’est de me sentir aimée (bon là c’est dans doute pas typiquement zèbre, il y a aussi mon histoire familiale, ma personnalité) par les gens auxquels je tiens. Et pour ça, j’ai besoin d’être rassurée. Tout le temps, parce qu’en plus, le zèbre doute, systématiquement. Je peux être rassurée quelques temps, dormir sur mes deux oreilles, être super créative, mais bientôt il me faut une nouvelle dose d’amour, sinon je n’y crois plus, le carburant manque. Bref, épuisant, pour les autres comme pour moi. La vie affective du zèbre n’est pas un long fleuve tranquille.

Rebelle ou suradapté(e) ?

On trouve ça dans les livres traitant de zébritude : face à leur vulnérabilité, leur extrême sensibilité, leurs difficultés d’intégration, les enfants-zèbres peuvent choisir deux types de comportements :

  • se rebeller contre l’école, la famille, la société, tous ceux qui ne les comprennent pas. Une amie institutrice avec qui j’échangeais tout récemment sur le sujet m’a dit que, pour elle, avoir un enfant surdoué dans sa classe, ça voulait dire des ennuis en perspective : un affreux jojo qui perturbe la classe, des parents qui exigent une prise en charge spécifique pour leur petit génie. Mais c’est quasi impossible avec 30 autres mouflets, chacun avec ses besoins spécifiques.
  • essayer de s’adapter à tout prix, rentrer de force dans le moule, être comme tout le monde. Sauf qu’on ne peut pas rentrer dans un moule triangulaire quand on est carré, y’a pas moyen. Et si on force, ça fait mal.

J’ai choisi l’option 2. Et ça ne fait pas très longtemps que je m’en suis rendu compte. Certes, j’ai toujours consciemment voulu être comme tout le monde, empétrée que j’étais de ma différence. Pour moi, cela se traduisait par une impression de n’être jamais à ma place, jamais en phase avec les autres, avec difficultés relationnelles incorporées. Toujours toute seule, même en compagnie, jamais comprise, jamais entendue.

Un truc m’a partiellement sauvée, à l’adolescence : j’ai découvert que j’avais suffisamment d’esprit pour faire rigoler les autres. Les années de 4è et 3è au collège ont été celles de ma naissance sociale, j’ai fait « clown de service » et du coup on m’appréciait, j’avais des copains. Par contre, quand j’étais trop mal pour faire se poiler la galerie, les autres ne comprenaient plus, et allaient voir ailleurs si ça rigolait davantage. Alors, si je voulais ravoir des copains, fallait vite trouver une bonne blague. Y’a eu aussi la période « bonne copine qui prête toujours une oreille compatissante à tes malheurs ». Au moins j’étais pas toute seule pendant ce temps-là, toujours ça de pris. Et je m’imaginais que si ces gens me confiaient leurs secrets, c’est parce que j’étais importante à leurs yeux !

Et la facture de la suradaptation est salée : je découvre encore aujourd’hui que je déteste telle ou telle activité que je pratique depuis des années, que je n’ai rien à partager avec des gens qui sont pourtant mes amis depuis longtemps. J’ai même découvert, il y a quelques années, que je détestais le type de boulot que je faisais (j’ai changé depuis, quand même). Sérieux, je ne m’en étais pas aperçue avant. Et j’ai un mal de chien à dire non, à dire ce que j’ai sur le coeur, à me faire respecter. Ca m’a valu maintes situations inextricables, j’ai souvent été blessante à cause de cette incapacité à dire simplement les choses.

Plus je me suis suradaptée, moins j’accédais à celle que j’étais vraiment, moins je me sentais honnête avec les autres et avec moi. Et, aujourd’hui, il me faut en passer par une analyse, coûteuse à tous points de vue, pour me sortir de là petit à petit.

Finalement, le rebelle fait suer les autres, et le suradapté se fait du mal à lui-même. Si j’aurais su j’aurais fait rebelle.