Rebelle ou suradapté(e) ?

On trouve ça dans les livres traitant de zébritude : face à leur vulnérabilité, leur extrême sensibilité, leurs difficultés d’intégration, les enfants-zèbres peuvent choisir deux types de comportements :

  • se rebeller contre l’école, la famille, la société, tous ceux qui ne les comprennent pas. Une amie institutrice avec qui j’échangeais tout récemment sur le sujet m’a dit que, pour elle, avoir un enfant surdoué dans sa classe, ça voulait dire des ennuis en perspective : un affreux jojo qui perturbe la classe, des parents qui exigent une prise en charge spécifique pour leur petit génie. Mais c’est quasi impossible avec 30 autres mouflets, chacun avec ses besoins spécifiques.
  • essayer de s’adapter à tout prix, rentrer de force dans le moule, être comme tout le monde. Sauf qu’on ne peut pas rentrer dans un moule triangulaire quand on est carré, y’a pas moyen. Et si on force, ça fait mal.

J’ai choisi l’option 2. Et ça ne fait pas très longtemps que je m’en suis rendu compte. Certes, j’ai toujours consciemment voulu être comme tout le monde, empétrée que j’étais de ma différence. Pour moi, cela se traduisait par une impression de n’être jamais à ma place, jamais en phase avec les autres, avec difficultés relationnelles incorporées. Toujours toute seule, même en compagnie, jamais comprise, jamais entendue.

Un truc m’a partiellement sauvée, à l’adolescence : j’ai découvert que j’avais suffisamment d’esprit pour faire rigoler les autres. Les années de 4è et 3è au collège ont été celles de ma naissance sociale, j’ai fait « clown de service » et du coup on m’appréciait, j’avais des copains. Par contre, quand j’étais trop mal pour faire se poiler la galerie, les autres ne comprenaient plus, et allaient voir ailleurs si ça rigolait davantage. Alors, si je voulais ravoir des copains, fallait vite trouver une bonne blague. Y’a eu aussi la période « bonne copine qui prête toujours une oreille compatissante à tes malheurs ». Au moins j’étais pas toute seule pendant ce temps-là, toujours ça de pris. Et je m’imaginais que si ces gens me confiaient leurs secrets, c’est parce que j’étais importante à leurs yeux !

Et la facture de la suradaptation est salée : je découvre encore aujourd’hui que je déteste telle ou telle activité que je pratique depuis des années, que je n’ai rien à partager avec des gens qui sont pourtant mes amis depuis longtemps. J’ai même découvert, il y a quelques années, que je détestais le type de boulot que je faisais (j’ai changé depuis, quand même). Sérieux, je ne m’en étais pas aperçue avant. Et j’ai un mal de chien à dire non, à dire ce que j’ai sur le coeur, à me faire respecter. Ca m’a valu maintes situations inextricables, j’ai souvent été blessante à cause de cette incapacité à dire simplement les choses.

Plus je me suis suradaptée, moins j’accédais à celle que j’étais vraiment, moins je me sentais honnête avec les autres et avec moi. Et, aujourd’hui, il me faut en passer par une analyse, coûteuse à tous points de vue, pour me sortir de là petit à petit.

Finalement, le rebelle fait suer les autres, et le suradapté se fait du mal à lui-même. Si j’aurais su j’aurais fait rebelle.

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